film en cours de finition (2012-2013)

Le 6 décembre 1999, jai été expulsé de lappartement - plutôt un arrière-grenier- que joccupais depuis 10 ans, rue Antoine Labarre, à Ixelles. Expulsé par la propriétaire qui, sûre de son droit, avait déjà arraché quelques mois auparavant la serrure de sécurité que javais placée à la porte dentrée, sous prétexte quelle nétait pas dorigine. Arraché aussi le polygonum grimpant qui tapissait la façade dun vert vif jusquau balcon.que nous avions planté , ma co-locataire et moi un an auparavant. Cassé en dessous et au dessus de lendroit où je dormais, en faisant entrer ses ouvriers sous prétexte de travaux urgents qui navaient jamais été faits pendant les 10 années que je vivais là, dans lhumidité et la moisissure, le froid, les courants dair et la mérule.
le 6 décembre, cest donc le jour de mon « déménagement » (thème récurrent dans mon cinéma), le jour aussi de lenterrement de rachel, ma co-locataire, partie quelques mois plus tôt, atteinte dun cancer irrémédiable.
Elle savait où elle allait. Moi non.
Dans mon rêve de tout rassembler, la maison, les amis et les films...je me suis retrouvé à devoir tout disperser, moi le collectionneur, celui qui ne jette jamais rien, qui garde tout comme des reliques et des fragments de son propre corps.
Un ami me disait que jorganisais ma vie pour la filmer. Non, ma vie sest organisée hors de ma volonté, et jy ai puisé la matière de mes films. Cest vrai que jai toujours été émerveillé - parfois épouvanté - de ce qui marrivait, que jen ai fait la forme et le contenu de mon art.
Je passe donc le plus clair de mon temps à marcher dun lieu à lautre et le film daujourdhui relate quelques fragments de ma vie nomade entre le 6 décembre 1999 et le 3 mars 2001, jour anniversaire de mes 57 ans. Voici donc les trajets et lhistoire dun jeune homme errant à la recherche dun lieu central qui ne peut être que lui- même.

Cest un film -essai sur le nomadisme, mais pas sur le nomadisme comme on lentend généralement, dans les déserts de Mongolie , du Sahara, sur les pentes de lHimalaya ou dans les forêts amazoniennes, mais un nomadisme urbain, celui où on se déplace et déambule dans un périmètre restreint, où, à force de marcher dans tous les sens, on accomplit des kilomètres et on finit par faire sans sen rendre compte, deux ou trois fois le tour de la terre.
Le chiffre 7 sera de la partie, il y aura 7 lieux, 7 maisons, 7 femmes, 7 paysages principaux, et, comme lorsquon pèle un oignon, on trouvera au-dessous des couches principales, dautres couches encore inexplorées.
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Le film serait divisé en 7 chapitres
1.Les clés : celles qui sont nécessaires pour entrer dans les paradis; elles sont nombreuses, pèsent et finissent par trouer les poches; si on tente de les nommer, de les dénombrer, il y en a toujours quelques unes dinnomables, quon se demande pourquoi elles sont là et à quoi elles servent.
2.Les caisses : celles quon transporte et quon déménage sans cesse, quon remplit et quon vide, quon déplace et que, pour finir, on dépose dans une cave et quon nouvrira plus jamais. Avec ou sans poignée, avec ou sans couvercle. On pourrait proposer - à la blague ou à la manière de Luc Moullet - une théorie des caisses. leur poids, leur dimension, leur durée de vie, leurs trajets. Les bouquinistes ont constaté depuis longtemps que les caisses de bananes sont les plus appropriées pour y mettre des livres. Les notes de frais et les cartes postales vont le mieux dans les boîtes à chaussures, les négatifs photos dans les boîtes pour frites surgelées...
3.Les films : le film est un élément particulier, parce quil est tout le temps visible à limage, et en même temps, il est limage même puisque la moindre action, la moindre agitation,ou mouvement de la vie (de ma vie) sont filmés , remis en scène, archivés.
4.Les voyages : ici les voyages sont petits, ce ne sont que départs et arrivées, que montées et descentes descaliers, ouvertures de portes et de fenêtres , par lesquelles les objets (et les personnes) passent, sortent, rentrent, traversent
5. Lerrance: les trajets qui vont dun lieu à lautre et quemprunte le héros,dans le désordre, font de ces trajets une déambulation sujette à surprises et aventures quotidiennes.
6.Le temps: le temps vu de différentes manières. Dabord dans la durée dune année derrance, dune saison à lautre, dun hiver vers un printemps. Ensuite, le temps dun film, qui se fait par miettes, au jour le jour.
7.Lhomme et lunivers: le héros finit par sapproprier de tous les lieux quil traverse. Comme il na pas de chez soi, il est partout chez soi et les paysages, les routes, les arbres, le ciel, finissent par lui appartenir.
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A la fin on me voit plans très longs très fixes, regardant la mer, perdu en ville au milieu des voitures, regardant le ciel.... plans successifs avec voix off pour dire que mes lieux sont là, partout (un peu comme à la fin de lHomme qui rétrécit) cest là chez moi, le grain de poussière parmi les autres grains....
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Je passe pour un spécialiste du film autobiographique. Soit. Sur 300 films et quelques, jai dû en réaliser une bonne quarantaine, de toutes sortes, en 8, super 8 et en 16mm, et mêmes quelques uns en vidéo. Depuis la fin des années 60, jai commencé un journal qui, mis bout à bout, prendrait des centaines dheures à être visionnées. Un bon millier de bobines et de boîtes, entreposées dans divers entrepôts et salles de montage.
Beaucoup de films en attente donc. En suspens, inachevés, mais qui peuvent se réveiller un jour,en partie du moins, et qui peuvent donner naissance à un ou plusieurs films.
Ils peuvent se répartir par thèmes. Par exemple, les portraits, les conversations et les entretiens, les voyages. On trouve même très souvent, à lintérieur même des autres films, des courts métrages entiers, des idées et des projets de films directement mis à exécution.
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Pour ce qui est de largent et de la production, à peine 4 films ont été coproduits par la télévision belge (RTBF), un seul par une télévision française (la Sept/Arte), 2 par une télévision allemande (ZDF). Je nai accepté quune seule commande, du ministère de léducation nationale en Belgique, une dizaine dautres de mes films ont été aidés par des ateliers de production,avec des sommes très modestes allant de 200.000 francs belges (35.000 francs français) à 900.000 francs belges (150.000 francs français).Pour un seul film (Leçon de vie) jai reçu 6 millions de francs belges du ministère de la culture (soit 1 million de francs français) plus 3 millions de la ZDF (soit 500.000 francs français), mais depuis ce film (1995) et le suivant (Histoire de ma vie racontée par mes photographies (subsides de 2.800.000 francs belges) (soit 430.000 francs français), plus aucune subvention ne ma été accordée, même pour des films, finalement réalisés sans aide, et sélectionnés dans plein de festivals aussi prestigieux que Berlin (Forum International du jeune cinéma), Locarno, Montréal, Rotterdam, etc...
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LUI
« Je veux être avec toi »
« Je veux être près de toi »
(peut être chanté)
ELLE
« Je suis avec toi »
« Je suis près de toi »
« On a toujours raison de partir »
« On a toujours raison de se révolter
même si cest loin et cher
et difficile
« NE ME QUITTE PAS »
et bien entendu, on cherche toujours des amis pour vous y aider
ça veut dire aussi quils vous aident à les quitter.
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«Je me souviens des engueulades familiales, mon père avec ma
mère (en polonais), mon père avec moi ( en français)
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Le dernier lieu, le seul, le vrai, finalement, cest moi-même, cest mon corps avec ses excroissances, sacs, chaussures, casquettes et appareil photographique, cest le lieu de mes souffrances, et aussi de mes joies, cest ce centre même que je cherche tout le temps, et qui se déplace sans san arrêt.
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Létat nomade commence au moment où, chassé du paradis, lhomme se (re) trouve séparé de ce quil aime ( de celle qui laime) (de celle quil aime)
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Le dernier lieu, le seul, le vrai, finalement, cest moi-même, cest mon corps avec ses excroissances, sacs, chaussures, casquettes et appareil photographique, cest le lieu de mes souffrances, et aussi de mes joies, cest ce centre même que je cherche tout le temps, et qui se déplace sans arrêt.
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-ne pas oublier
La chanson du juif errant
Boris marche sur la flèche et entre dans le métro
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Muriel: je ne suis pas beaucoup chez moi.
Boris: je ne suis jamais chez moi


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